juillet 2022

05juil(juil 5)9 h 00 min07(juil 7)17 h 00 minCONGRÈS AFSP 2022 - LILLE

Détails

Responsables scientifiques

Julien O’Miel et Cécile Talbot, pour le collectif Images du politique / Politiques de l’image *

* Le collectif est composé en sus de la coordination de la conversation méthodologique de :Philippe Aldrin, Camille Floderer, Pierre Fournier, Vincent Geisser, Marsaud Gaël, Cesare Mattina, Jérémie Moualek, Frédéric Nicolas, Magali Nonjon)

Cette conversation méthodologique fait le constat du développement des approches visuelles en sociologie et en anthropologie. Elle ambitionne de les promouvoir au sein de la science politique en interrogeant les possibles méthodologiques qu’elles offrent. Elle interrogera les façons dont elles permettent, d’une part, de produire et collecter des données, et d’autre part, de restituer et présenter des résultats de recherches.

https://www.afsp.info/congres/congres-2022/conversations-methodologiques/cm-06/

PRÉSENTATION SCIENTIFIQUE – Inspirée par la tradition de l’anthropologie visuelle, la sociologie visuelle s’est développée notamment aux Etats-Unis dans les années 1960 sous la forme de photographies puis de films documentaires. Cette pratique est étroitement associée à une conception ethnographique, en immersion, du travail sociologique. Pratiquée de façon confidentielle, la sociologie visuelle est progressivement reconnue dans les années 1970 (Becker, 1974), avant de devenir un courant à part entière du champ de la sociologie universitaire. La thèse et les travaux de Douglas Harper (Harper, 1982, 1987, 2012) contribuent à renforcer l’intérêt de la communauté scientifique pour la « pensée visuelle » (« thinking visually ») dans les années 1980. Au cours des années 1990, un plus grand nombre de sociologues américains recourent à l’image fixe ou filmée pour rendre compte de la réalité des terrains d’enquête et faire connaître au-delà des seuls publics universitaires les résultats de leurs recherches empiriques.

Aujourd’hui, la démarche et les techniques des Visual Studies sont installées et reconnues au sein des sciences sociales, notamment grâce à la démocratisation des outils audiovisuels (Giglio-Jacquemot, Gehin, 2012). De fait, de plus en plus d’enquêtes sociologiques se font au moyen de la photographie (Cuny et al., 2020), du dessin (Nocerino, 2016) ou du film (Durand et Sebag, 2020), quand ce n’est pas par réemploi d’images produites par les acteurs sociaux (Galibert-Laîné, 2021). Néanmoins, les objets de la sociologie politique n’ont que très peu été investis par les politistes (Mattioli, 2007), contrairement aux domaines du travail, de la famille ou de l’urbain. Pourtant, parce qu’elle possède une tension dramatique intrinsèque, la politique est une matière propice à l’écriture visuelle. Qu’il s’agisse de la compétition électorale, du monde discret de l’exercice du pouvoir, la politique possède des propriétés vidéogéniques évidentes, que la fiction et le documentaire explorent volontiers. Il en va de même de toutes les formes d’interaction qui, dans la société, engagent des rapports (de force, de soumission, de contestation, de résignation) à l’ordre établi et au droit. La politique recouvre également toutes les formes prises dans le monde social ordinaire par les oppositions d’idées ou d’intérêts, la concurrence entre les individus ou les groupes pour des ressources. Les politistes sont nombreux à étudier cette perception artiste et à interroger les parentés et les écarts avec les contributions des chercheur·es (Taïeb, Lefebvre, 2020 ; Laugier, Corcuff, 2021). Ils sont plus rares à considérer que l’image peut constituer en elle-même un mode privilégié de production de connaissances et d’argumentation, (Aldrin et Grégory, 2018 ; Moualek, 2018), invitant à recenser les interrogations autour de sa légitimité.

Penser en sociologue visuel·le du politique amène en effet son lot de questions. Appréhender l’image en situation d’enquête comme un outil de collecte de données conduit le/la chercheur·e à réinterroger les implicites des méthodes d’entretien et d’observation directe, devenues banales (Becker, 2001). Offrant un espace de valorisation à l’enquêté·e, l’image facilite souvent l’entrée sur le terrain (Cornu, 2010) en assignant un rôle prédéfini au chercheur (Conord, 1999). Néanmoins comment l’investigation visuelle modifie-t-elle le rapport à l’enquêté·e et au terrain ? Par exemple, la mise en scène potentielle des sujets ne risque-t-elle pas d’être renforcée auprès des enquêté·es les plus compétents politiquement, comme les « professionnels de la politique » ?

Dans quelle mesure enquêter visuellement sur le politique produit-il un gain de réflexivité spécifique ? Qu’entraîne cette combinaison des techniques et des sources ? Par exemple, comment les outils visuels – comme la photo-elicitation (Collier, 1967) ou la video-elicitation (Fournier, Cesaro, 2020) – peuvent-ils faire émerger une parole parfois « empêchée » (Bonnet, 2012), en particulier sur des objets sensibles comme le vote (Moualek, 2018) ? Plus globalement, les objets relevant de la sociologie politique peuvent constituer un défi pour les chercheurs utilisant les images car, s’il est admis que la caméra ou l’appareil photo sont pertinents pour observer les interactions (Lallier, 2009), les gestes, les cadres d’action (Desaleux et Martinais, 2011) ou les corps (Hasque, 2014), comment en user pour observer l’abstrait des rapports de force et de domination souvent masqués ou réservés aux scènes de vie « ordinaires » les plus fermées à la caméra ?

S’il est courant d’assimiler la « sociologie visuelle » aux approches qualitatives, dans quelle mesure l’image peut-elle aussi être associée à des études quantitatives (Filion, 2011), dans le but, par exemple, d’étudier des mobilisations collectives ou des meetings ? Comment peut-on penser « sociologiquement » par l’image sans réduire celle-ci à l’illustration d’une enquête réalisée au préalable ? Plus qu’un simple enregistrement du réel, le recours à l’image met le chercheur dans l’obligation de produire un point de vue (Buob, 2020) et en position de construire un récit. Quel statut donner alors au produit fini par rapport aux formes voisines que sont le reportage d’actualité, le film militant, le documentaire d’auteur ? Comment réaliser, par exemple, un film sur le politique sans en faire un film politique qui « engage » le/la chercheur·e ?

Enfin, l’usage de l’image est souvent synonyme de visibilisation d’agents sociaux invisibilisés (Lendaro, 2020), voire disqualifiés politiquement (Le Houérou, 2012). Par conséquent, comment rendre visible sans céder à la tentation « populiste » (Grignon et Passeron, 1989) ou, à l’inverse, « sans stigmatiser » (Larcher, 2012) ?

L’ensemble de ces questions doit nous interroger pour permettre le développement des méthodes visuelles au sein de la science politique. Plusieurs intervenant·e·s issus de la science politique et de la sociologie viendront présenter leurs expériences de recherches et d’enseignements dans le but de pouvoir partager leurs expériences, ficelles et interrogations.

PARTICIPANT.ES

Douglas Harper, Professeur émérite en sociologie Duquesne University, État et débats de la Visual sociology

Jérémie Moualek, Maître de conférences en sociologie, Université d’Evry-Paris Saclay / Centre Pierre Naville, Pour une sociologie visuelle du politique. Pistes et conditions de possibilité

Cécile Cuny, Maîtresse de conférences en sociologie, Université Gustave Eiffel / Lab’Urba, Que peut la photographie ? Retour sur trois enquêtes de sociologie urbaine visuelle

Émilie Balteau, Post-doctorante en sociologie, École d’urbanisme de Paris – UPEC / Lab’Urba, Penser le monde social en images. Le film comme discours sociologique.

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Horaire

5 (Mardi) 9 h 00 min - 7 (Jeudi) 17 h 00 min

Emplacement

Lille