La fabrique des identités

L'encadrement politique des minorités caribéennes à Paris et New York
par Audrey CELESTINE

Résumé

Les mobilisations de minorités sont volontiers évoquées dans le débat public sous l’angle de la «dérive identitaire» et du « communautarisme » qui menaceraient le modèle français de citoyenneté. Cependant, rares sont les études qui s’intéressent en profondeur à leurs acteurs, à leurs dynamiques, à leur histoire. Dans cet ouvrage, Audrey Célestine s’attache à saisir au concret la fabrique de l’identité culturelle et politique de deux groupes sociaux : les Antillais en France et les Portoricains aux États-Unis. La dimension comparative de cette enquête revisite largement l’opposition traditionnelle entre un modèle français « universaliste » et un modèle américain « communautariste ».

En mettant en regard de façon inédite deux trajectoires postcoloniales, ce livre montre que les processus de fabrication identitaire sont étroitement liés à la gestion par les autorités publiques des minorités ethniques et s’ancrent dans des mobilisations collectives ajustées au contexte d’accueil. En proposant une sociologie comparée des « identity politics », Audrey Célestine rappelle l’histoire longue et les logiques de transformation successive de ces identités ethniques jusqu’à aujourd’hui.

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Auteur

Audrey Célestine est politiste, enseignante-chercheuse à l’Université de Lille (laboratoire CERAPS) et membre junior de l’Institut Universitaire de France. Elle travaille depuis plusieurs années sur l’État en Outre-mer et les questions raciales en France et aux États-Unis. Elle est également l’auteure de l’ouvrage Une famille française paru aux Éditions Textuel en mai 2018.

Le photographe David Damoison travaille principalement sur les Caraïbes et l’Afrique. Le travail photographique inclus dans cet ouvrage est issu d’un projet portant sur les populations des Antilles présentes en France hexagonale et interroge les identités créoles.

Sommaire

Introduction. Du South Bronx aux Jardins de l’Élysée 

 

Chapitre 1. Les enjeux antillais et portoricains dans l’espace des mobilisations minoritaires 

Des mobilisations portoricaines à New York et antillaises à Paris

Une présence associative ancienne pour les Portoricains

L’hétérogénéité de l’espace associatif des Antillais en France

Étudier le contexte d’émergence des mobilisations collectives

Les mobilisations portoricaines : entre Mouvement pour les droits civiques et tournant culturel

 

Chapitre 2. Le contexte d’accueil des migrants-citoyens antillais et portoricains 

La politique du gouvernement d’accueil

L’opinion publique face à ces migrations

 

Chapitre 3. La fabrique institutionnelle des identités collectives

Processus de catégorisation : le façonnement du groupe des « Portoricains »

La création des « Originaires d’Outre-Mer » en France

Le travail associatif de définition de soi et des autres

L’identité collective : une interaction dialectique homogénéisante

La culture comme ressource politique

 

Chapitre 4. Mobilisations ethniques et émergence de causes spécifiques

Faire émerger des causes spécifiques

La mise en scène des émotions par la construction de scandales publics

 

Chapitre 5. Au-delà des succès et des échecs : de la mobilisation à l’institutionnalisation 

Les « discriminations spécifiques » : mise en politique réussie d’un enjeu de mobilisation

L’évolution des dynamiques et logiques d’actions des collectifs portoricains

Intégrer les rouages de la démocratie locale : un bilan en demi-teinte ?

 

Chapitre 6. Luttes internes, relations de pouvoir et redéfinitions identitaires au sein des groupes mobilisés

Par-delà les organigrammes : le fonctionnement au concret des non-profits et des associations

Effets d’organisation et relations de pouvoir dans les associations antillaises

Un cadre légal plus contraignant aux États-Unis

Accords et désaccords sur la présentation du groupe

 

Chapitre 7. S’engager. Rester engagé : étudies des dynamiques d’entrée et de maintien dans les mobilisations

L’engagement dans les associations antillaises : entre « valeurs républicaines » et volonté d’élévation du groupe

Repérage et cooptation au cœur de l’engagement dans les organisations portoricaines

Rester engagé.e : ce que les organisations font aux gens

 

Conclusion 

Épilogue réflexif. Les petits riens de l’identité

Recensions et interventions

Politix, 2020, n°131, Myrtille Ferné, p. 168-170.

« À l’aide des outils de la sociologie des mouvements sociaux, Audrey Célestine apporte un regard inédit sur les modalités d’existence des Antillais en France hexagonale, qu’elle fait le choix de mettre en lien avec celles des Portoricains aux États-Unis. À rebours du cliché de l’apathie fréquemment associé à ces populations, c’est sur le mode de l’action et à travers leurs mobilisations que l’auteure nous révèle les logiques sociales et politiques de la fabrique d’identités collectives.

[…]

A. Célestine exploite avec finesse un matériel ethnographique restituant paroles réflexives et trajectoires individuelles, et offrant au lecteur une plongée au cœur des logiques individuelles de l’engagement. Au plus près des acteurs associatifs, on saisit alors très bien la diversité des trajectoires et des intérêts, parfois divergents et causes de frictions. Ces contradictions internes aboutissent parfois à l’exclusion de certains membres et à la mise en valeur d’autres, générant des frontières internes, tout autant constitutives des négociations des identités collectives. »

 

Revue française d’études américaines 2020/2, n° 163.

 

Histoire @ Politique, 2019, novembre, Sylvain Mary.

« L’ouvrage d’Audrey Célestine constitue une contribution incontournable à la thématique de la fabrique politique des identités, ici envisagée à travers le prisme de la mobilisation de minorités "de migrants intérieurs" issus des anciennes colonies. Sa réflexion s’inscrit à rebours des usages de ces thématiques, souvent faits aux seules fins de dénonciation du communautarisme en France. On notera enfin que le livre offre une galerie de très beaux clichés du photographe David Damoison, donnant ainsi un visage à des Antillais de différentes générations que les associations étudiées dans ce livre entendent représenter. »

 

Émission « Éco d’ici Éco d’ailleurs », RFI, 12 juin 2020, animée par Jean-Pierre Boris : « Aux racines économiques et sociales de la colère des Noirs américains » avec Audrey Célestine et Patrick Bolton.

 

Les Goûter de Karthala #8, 9 février 2019 « La fabrique des identités. Rencontre avec Audrey Célestine », librairie Karthala.

 

Audrey Célestine, Abdellali Hajjat et Lionel Zevounou, février 2019, « Rôle des intellectuel·les, universitaires "minoritaires", et des porte-parole des minorités », Mouvements des idées et des luttes.

 

Audrey Célestine, 2008, « La "voix" institutionnalisée : approche comparée de la mobilisation de migrants-citoyens en France et aux États-Unis », Raisons politiques, n° 29, p. 119-131.

 

France Culture, série « Luttes sociales : sur le chemin de la révolution », épisode 2/4 : « Genre, race et classe : les voies d’une convergence », avec Audrey Célestine, Elsa Dorlin et Pinar Sélek, 17 avril 2018.

« Afro-américains faisant l’objet de violence policière, homosexuels et queers stigmatisés, femmes victimes de violences sexuelles... Autant de groupes, de revendications distinctes qui pourraient pourtant s'agréger contre des dominations transversales, mais comment penser cette convergence ? »

 

France Inter / IUF – Institut universitaire de France, 2021, Podcasts Les Savanturiers, « Le jour où : Audrey Célestine », décembre.