Archives audiovisuelles et sciences sociales
Les ressources audiovisuelles produites dans le passé, quand elles sont conservées et mises à disposition des chercheurs, par exemple par l’INA, la BNF ou le CNC, ont un statut d’archives qui en fait des sources pour la recherche historique. Certaines donnent à voir des fractions du réel. D’autres proposent des regards sur le réel et éclairent sur les personnes qui tentent d’imposer ces représentations sélectives comme la réalité objective et sur leurs intentions ce faisant. Les archives audiovisuelles ont souvent aussi une riche actualité : celle de leur rediffusion. Soit intégrale dans un cadre éditorial plus ou moins explicite, soit par fragments au sein de productions culturelles nouvelles. Autant de répertoires qui peuvent intéresser les sciences sociales du présent pour caractériser des formes culturelles se diffusant dans la société, des rapports au passé se manifestant autour des phénomènes de sélection s’exerçant dans les archives disponibles, des réflexions sur les identités sociales des personnes quand celles-ci s’engagent elles-mêmes dans le réemploi et le relais de contenus audiovisuels avec leur ordinateur ou leur smartphone…
Parmi ces usages des archives audiovisuelles pour la recherche, on peut citer aussi la vidéo-élicitation : la mobilisation d’images animées et sonorisées pour servir de support à des entretiens et faire réagir les personnes rencontrées.
C’est ce dispositif qu’ont utilisé Pascal Cesaro et Pierre Fournier dans le cadre du programme Nucléaire et société locale (Nuxolo) en mobilisant des extraits d’un feuilleton télévisé des années 1960 pour évoquer l’expérience de travail et de vie des travailleurs du nucléaire dans le territoire d’implantation du CEA à Cadarache (Bouches-du-Rhône).
Leur travail a conduit à diverses publications scientifiques et à deux productions audiovisuelles.
Une des particularités de cette recherche est d’avoir utilisé des images de fiction dans le dispositif de vidéo-élicitation, posant la question plus large des usages qui peuvent être faits de la fiction dans la recherche. En effet, parmi les productions audiovisuelles qui entretiennent avec le réel un rapport de représentation, la fiction occupe-t-elle un statut à part ? Les chercheurs en sciences sociales, quand ils ne prennent pas la narration fictionnelle pour objet d’analyse, ont-ils quelque chose à en dire ? Le programme de recherche Nuxolo a été l’occasion de travailler cette question et d’aller vers la coordination d’un numéro de la revue Images du travail/Travail des images consacré à « La fiction au travail. Recherche et formation à la recherche au moyen d’images de fiction (cinéma, télévision ou web) », paru en février 2021.
La présentation de ce numéro à la MMSH a été l’occasion de rencontres Science & fiction à l’automne 2021. Elles ont permis d’explorer les vertus de la mobilisation de la fiction audiovisuelle dans les sciences sociales et dans d’autres disciplines et d’étendre la réflexion à l’édition de la recherche avec l’image.
L’exploration des différentes manières d’utiliser les archives audiovisuelles en sciences sociales s’est poursuivie par la participation de chercheurs de Mesopolhis à un séminaire interlaboratoires de la MMSH en 2021-22 intitulé Archives sonores et audiovisuelles "vivantes". Nouveaux usages, nouvelles recherches pour interroger les usages artistiques des réemplois d’archives audiovisuelles et leur proximité avec des usages par les chercheurs en sciences sociales.
Elle se poursuit aujourd’hui dans le cadre d’un programme franco-brésilien, l’international research program Archives-Médias-Images-Sociétés, soutenu par le CNRS (2020-2025). Avec des contributions de P. Fournier autour de la production et de la circulation des images de la bombe atomique après 1945 : un possible facteur d’acculturation à la perception du nucléaire civil (mars 2022), de P. Cesaro et P. Fournier autour d’une archive militante remobilisée dans un documentaire politique (septembre 2022).
