Alix Philippon, « Du soft power religieux au néo-patrimonialisme : la Sufi politics au Pakistan et au-delà ». Bulletin de l’Observatoire international du religieux, n°52 [en ligne], décembre 2024.

Extrait :

« Dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, la dimension géopolitique du soft power religieux s’est manifestée avec éclat autour des enjeux liés au soufisme, la grande tradition mystique de l’islam. Intégrée aux politiques de contre-terrorisme mises en œuvre dans de multiples pays du monde arabe et musulman et au-delà, en Occident, cette tradition islamique a pu incarner un « autre » islam capable de faire barrage aux défis mortifères posés par le salafisme jihadiste. Comme catégorie idéalisée de l’action publique et « sublime objet d’idéologie », le soufisme a pu être utilisé par des acteurs étatiques et non étatiques pour exercer une force de persuasion et une influence au niveau global, mais également pour faire bouger les lignes des champs politiques nationaux. Ces processus complexes opérant sur plusieurs échelles imbriquées éclairent l’importance de la variable religieuse dans les relations entre État et société, et au-delà dans les relations internationales et la diplomatie. Ces représentations sublimées du soufisme, comme islam salvateur d’un monde musulman gangréné par la violence, ne doivent cependant pas occulter quelques caractéristiques socio-politiques communes à de nombreux États post-coloniaux : les héritiers de cette tradition, descendants de lignées spirituelles et gardiens des sanctuaires soufis, sont souvent des hommes politiques pragmatiques, mobilisés aux côtés de grands partis de gouvernement et guidés par la défense de leurs intérêts bien compris. En outre, ils peuvent également défendre des causes populaires aux côtés de groupes religieux faisant dans certains cas usage de la violence. »

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