Dénoncer les discriminations vécues à l’université : entre silence, révélation et signalement
Défenseur des droits, Bozec Géraldine, Blassel Romane, Cécile Rodrigues, Laura Schuft, Christelle Hamel, Karimi Hanane, Weiss Pierre-Olivier, Ludovic Morand, Marguerite Cognet, Fabrice Dhume, 24 avril 2024, 39p.
À partir d’une enquête quantitative et qualitative portant sur l’expérience de discriminations à l’université (auprès d’étudiantes, d’étudiants et de membres du personnel), ce rapport analyse les facteurs et les mécanismes qui conduisent à signaler institutionnellement les faits subis, à ne les partager que dans des cercles de proches, ou à rester dans le silence et l’isolement. Il explore également les suites données lorsque les faits ont été signalés, et les effets qu’ont ces diverses formes de « recours » sur les individus.
L’enquête met à jour des obstacles significatifs qui entravent les démarches de signalement à l’université. Comme dans de nombreux espaces, l’espace universitaire se caractérise par des rapports de pouvoir marqués, et par des modes de fonctionnement qui, non seulement rendent possibles des discriminations, mais pèsent également sur la capacité des individus à les dénoncer. Du côté des étudiantes et étudiants, une attitude fataliste prédomine, attribuable notamment à une faible connaissance de leurs droits et des dispositifs à solliciter, mais également à un sentiment d’illégitimité à faire prévaloir ces droits dans le cadre universitaire, si ce n’est à un déficit de confiance dans la capacité des institutions à reconnaître et faire cesser le tort subi. Ces dynamiques se retrouvent également parmi les membres du personnel, et concernent surtout celles et ceux occupant des postes précaires ou moins valorisés dans la hiérarchie universitaire.
L’enquête met ainsi en lumière un sentiment prégnant d’impuissance chez la plupart des victimes. L’inaction de l’institution pour réguler certaines situations semble une chose courante, souvent connue des étudiants comme des membres du personnel, au moins au sein des flières où les faits ont lieu.
Cette inertie contribue à l’émergence de formes de fatalisme face aux discriminations. Selon l’enquête, les (rares) signalements institutionnels effectués donnant lieu à une action des établissements, aboutissent le plus souvent à des arrangements informels et pratiques. Ce sont notamment des décisions d’éloignement des victimes, dans le cas des étudiantes et étudiants, donc sans sanction particulière des faits et de leurs auteurs. Mais dans certains cas, aussi, les signalements peuvent conduire à des formes de représailles contre les personnes qui ont dénoncé les faits subis.
Le faible nombre de signalements des discriminations, et la très relative réponse institutionnelle peuvent avoir des effets délétères sur les victimes, et sur l’institution universitaire elle-même – voire au-delà. Elle permet en effet aux situations discriminatoires de perdurer, avec toutes les conséquences qui en découlent pour les personnes, et sur leurs trajectoires (arrêt des études, changement de filière ou de poste, troubles physiques, atteintes à la santé mentale…). Par ailleurs, ces situations portent atteinte à l’image des établissements universitaires, et surtout fragilisent la confiance en l’institution, tant de la part de son personnel que de ses usagers.
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