Bernardot Marc, « Le Grand Bleu de Frontex. Que disent les métaphores liquides des politiques migratoires européennes ? » in Mehdi R. (dir.)
« L’agenciarisation de la politique européenne d’immigration et d’asile », 2020, pp. 17-27, collection « Confluences des droits », Aix-en-Provence, DICE, AMU
Sous l’effet de la combinaison inédite de facteurs politiques, économiques et sociaux, la Méditerranée est de ces lieux où l’histoire s’est, au cours des dernières décennies, emballée.
C’est dans ce contexte que la « mer du milieu » est devenue l’épicentre de ce que l’on désigne par la formule très approximative de « crise des migrants ». Ces mouvements telluriques n’en sont probablement qu’à leurs prémices.
La force d’évocation négative du syntagme suffit pourtant à éclairer la mise en tension de l’Union et des États qui la constituent. Confrontée à un défi dont on mesure qu’il met à l’épreuve l’unité même de l’Union, celle-ci a fait le choix, somme toute classique, de la novation institutionnelle. Pour anticiper, canaliser et gérer ces flux humains, elle s’est dotée en 2004 de Frontex, devenue l’Agence européenne de gardes-frontières et gardes-côtes. Cette évolution est la déclinaison dans le domaine migratoire d’une dynamique dont l’objet est de moderniser l’action publique afin d’en renforcer, dit-on, l’efficacité. On entre ainsi dans un monde où la qualité des institutions s’apprécie à l’aune de leur « performance » sans être certain que leur aptitude à respecter les droits fondamentaux compte au nombre des indicateurs pertinents. Au fond, la question est posée de savoir si l’Union est parvenue à trouver un point d’équilibre acceptable par l’ensemble de ses membres entre les impératifs de sauvegarde inhérents à sa qualité même d’espace démocratique et l’attractivité d’un éden que les damnés de la terre sont prêts à rejoindre quoi qu’il en coûte.
S’affranchissant des analyses exclusivement disciplinaires, cet ouvrage nous fait pénétrer au coeur des contradictions qui minent le processus d’agenciarisation appréhendé au prisme de la « crise des migrants en Méditerranée ».
Confluence des droits , Vol. 11 , 158 pages.