Mobilisations syndicales et violences au Sud
Protester dans les usines de la sous-traitance internationale au Guatemala
par Quentin Delpech
Résumé
La violence des États centraméricains défraye souvent la chronique : conducteurs de bus tués, femmes assassinées, guerres de gangs – les fameuses maras – sur fond de narcotrafic. Au Guatemala, cette violence relève du quotidien. Ce pays d’Amérique centrale détient l’un des taux d’homicide les plus élevés au monde. Mais, il détient d’autres statistiques macabres : avec la Colombie, c’est au Guatemala que l’on tue le plus de syndicalistes. Plus qu’ailleurs, le militantisme syndical se confronte à des pratiques diffuses de discriminations antisyndicales et à des formes violentes de répression. Très peu de secteurs économiques échappent à ces contraintes. Certains secteurs sont même réputés pour leur lutte farouche contre toute forme d’action collective au travail. C’est notamment le cas des usines d’assemblage d’habits – appelées maquilas – qui fabriquent depuis maintenant plus d’une trentaine d’années pour les grandes multinationales du prêt-à-porter. Pourtant, une poignée de syndicats est parvenue à émerger au cours des dix dernières années.
Ce livre retrace la trajectoire de ces mobilisations syndicales depuis les réseaux d’activisme transnational jusqu’aux luttes locales des ouvriers ; mobilisations contraintes de toute part, entre la violence et l’insécurité sociales, les stratégies antisyndicales et l’impunité ordinaire qui continue d’entourer l’exercice quotidien du droit du travail au Guatemala. Car, depuis les marques sans usines du Nord jusqu’aux maquilas du Sud, une chaîne de déresponsabilisation tend à rendre invisible l’horreur au travail.
Auteurs
Quentin Delpech est docteur en science politique. Ses travaux de recherche portent sur l’internationalisation du militantisme syndical et sur l’exercice des droits syndicaux en Amérique centrale. Il a collaboré à de nombreuses recherches pour l’Organisation internationale du travail et pour l’Institut international d’études sociales à Genève.
Date de publication
01/12/2013
Sommaire
Introduction
Loin des yeux, loin du Code du travail ?
Entrer dans les coulisses des campagnes de syndicalisation
Mobiliser et s'engager en contexte violent
I. Les campagnes de syndicalisation, stratégies et savoir-faire militants
Chapitre 1. Syndiquer au Sud
Chapitre 2. Saisir l'insaisissable
II. L'épreuve du local – syndiquer en terrain hostile
Chapitre 3. Organiser les dociles
Chapitre 4. Les coulisses d'une victoire
III. Un syndicalisme en sursis – Les engagements face aux répressions
Chapitre 5. Des répressions discrètes
Chapitre 6. Résister, s’accommoder, rester engagés
Épilogue
Conclusion
Une mondialisation des savoir-faire syndicaux américains
Répression et ordre social ordinaire
Fluidité du capital, illégalité et accumulation économique
Recensions et interventions
Sociologie du travail, 2016, vol. 58 n°1, janvier-mars, Émilien Julliard, p. 90-92.
« Ce livre prend à contre-pied les approches des mobilisations transnationales focalisées sur les seuls militants du Nord en s’intéressant à des actions syndicales internationalisées au Guatemala, pays marqué par la répression syndicale et une violence incarnée par des groupes criminels : les maras.
L’enquête de Quentin Delpech porte sur des syndicats de deux usines produisant des vêtements pour une marque états-unienne, de leur création au début des années 2000 jusqu’à leur disparition avec la fermeture des sites à la fin de cette décennie. Elle est exceptionnelle, puisque les syndicats dans ce pays sont rares et que peu de chercheurs s’aventurent sur ce terrain à risques. »
Le Monde diplomatique, 2014, « Les livres du mois », Christophe Ventura, p. 24.
« Cette enquête introduit au cœur de ce que Karl Marx appelait le laboratoire secret de la production. S’appuyant sur une robuste connaissance des dynamiques de mobilisation syndicale dans les pays du Sud, l’auteur anime un à un les acteurs d’un tableau "globalisé" : grandes marques de l’habillement, zones franches d’exportation centre-américaines, maquiladoras guatémaltèques dotées de capitaux et de cadres sud-coréens. »
Politix, 2014, n°108, Maya Collombon et Camille Floderer, p.170-72.
« En s’appuyant sur des entretiens approfondis réalisés avec des travailleurs syndiqués, l’auteur livre une analyse processuelle des formes de l’engagement dans des situations marquées par des violences et des discriminations antisyndicales quotidiennes. Ainsi, cet ouvrage constitue un apport notable tant à l’étude des effets de la répression sur les formes de l’engagement militant qu’à la compréhension des mobilisations transnationales. »
Quentin Delpech, 2014, « Une extension du domaine de la lutte : l'internationalisation des savoir-faire syndicaux américains en Amérique centrale », Critique internationale, n° 64, p. 33-46.