Soutenance de thèse – Théotime Chabre : « Gouverner la mondialisation de l'enseignement supérieur, fabriquer l'État ?. (Dé)légitimer "Chypre-Nord" comme destination étudiante internationale aux portes de l'Europe (2004-2024) »

10juin14 h 00 min20 h 00 minSoutenance de thèse – Théotime Chabre : « Gouverner la mondialisation de l'enseignement supérieur, fabriquer l'État ?. (Dé)légitimer "Chypre-Nord" comme destination étudiante internationale aux portes de l'Europe (2004-2024) »

Détails

Mardi 10 juin 2025 | à partir de 14h | EPS (salle 101)

Nous avons le plaisir de vous informer que la soutenance de thèse de Théotime Chabre, intitulée « Gouverner la mondialisation de l’enseignement supérieur, fabriquer l’État ?. (Dé)légitimer « Chypre-Nord » comme destination étudiante internationale aux portes de l’Europe (2004-2024) », se tiendra mardi 10 juin 2025, à partir de 14h, à l’Espace Philippe Séguin, salle 101.

Résumé :

Cette thèse porte sur l’investissement politique et économique, dans les territoires du Sud Global à la frontière du Nord global, de projets de développement fondés sur l’attractivité d’étudiants étrangers. À la croisée de la sociologie politique de l’international, des études migratoires et de la sociologie de l’enseignement supérieur, l’analyse interroge l’émergence croisée d’une autorité étatique à Chypre du Nord et d’un « hub » de l’enseignement supérieur international sur ce territoire. En analysant plusieurs séquences du déroulement du projet de développement « île de l’Éducation », elle interroge ce que l’internationalisation de l’enseignement supérieur représente comme ressource de légitimation d’un ordre politique, mais aussi comme répertoire de respectabilité pour des acteurs dans et hors de l’espace politique. En d’autres mots, comment un « secteur économique » dédié à l’enseignement supérieur international peut-il devenir un enjeu de construction étatique pour un territoire contesté aux marges de l’Union européenne ?

L’échec du plan de réunification de l’île de Chypre en 2004 a laissé le territoire dans les limbes de la non-reconnaissance politique. À partir de 2007, les figures politiques, économiques et académiques de ce petit territoire contesté, appuyées par les autorités de Turquie, annoncent leur ambition de promouvoir « Chypre-Nord » à l’international et d’en faire une « Île de l’Éducation » tournée vers les étudiants étrangers. Au cours des deux décennies suivantes, cet horizon demeure investi d’un sens politique de premier plan : il s’agirait d’un moyen de « normaliser » la situation du territoire et d’assurer sa survie. En d’autres termes, il s’agit de faire du hub de l’éducation et du marché mondial de l’enseignement supérieur des alternatives à reconnaissance étatique. Vingt ans plus tard, le résultat est ambivalent. L’avenir politique de l’île est toujours aussi incertain, mais l’« Île de l’Éducation » a pris forme. Plusieurs des vingt-trois universités privées ou semi-publiques apparaissent dans les classements internationaux et disposent d’accréditations internationales. Ensemble, elles accueillent près de 100 000 étudiants étrangers, faisant de « Chypre-Nord » une destination majeure pour les étudiantes et les étudiants dont le passeport offre un accès particulièrement restreint à la mobilité internationale. À partir de la moitié des années 2010, ces étudiants tendent toutefois à être de plus en plus identifiés comme des « indésirables » sur ce territoire à la frontière européenne, entraînant une remise en cause partielle de « l’île de l’Éducation » par les autorités de Chypre du Nord.

Cette thèse démontre que pour des autorités marginalisées et fragiles et une société traversée par un désir de « normalisation », le hub peut représenter une forme alternative, mais fragile, de projection collective. Elle montre également que cette internationalisation de l’enseignement supérieur représente pour les entrepreneurs universitaires et les acteurs politiques nationaux une ressource à réinvestir dans des rapports de force politiques. La valeur de cette ressource est corrélée à la désirabilité des profils des étrangers qui fréquentent ces universités. À Chypre-Nord, à partir de 2015 les publics de candidats aux études suscitent une méfiance croissante, reflétant partiellement la panique migratoire qui prend de l’ampleur dans les pays du Nord global. Le travail de valorisation symbolique du hub effectué par ses entrepreneurs, politiques, académiques et économiques, entre en contradiction avec l’injonction croissante faite aux autorités de garder les frontières du Nord global face aux « vagues migratoires » du Sud global. Source de revenus et de prestige pour les autorités et les propriétaires d’universités, la présence de ces étudiants à la frontière européenne est de plus en plus soumise au soupçon migratoire, fragilisant le consensus autour de « l’Île de l’Éducation ». L’internationalisation « par le haut » — à travers l’intégration au marché mondial de l’enseignement supérieur et l’adoption de modes de gouvernance managériaux — entre alors en contradiction avec l’internationalisation « par le bas » — processus largement inconscient et contradictoire, résultat d’une rencontre entre ambitions de recrutement universitaire et projets individuels des étudiants, à la frontière entre mobilité et migration.

Cette thèse repose sur plusieurs enquêtes de terrain à Chypre, conduites entre mars 2018 et janvier 2025. Celles-ci ont permis de retracer l’ensemble des acteurs et des dispositifs qui contribuent à façonner le « hub » de l’enseignement supérieur de Chypre-Nord. L’analyse repose sur 149 entretiens semi-directifs et biographiques avec des membres de l’administration nationale, des entrepreneurs universitaires, des représentants d’organisations internationales intervenant sur l’île et des étudiants étrangers. Elle s’appuie également sur deux enquêtes par questionnaire auprès de plus de 700 étudiants, des observations participantes auprès d’associations étudiantes à Chypre et en ligne entre 2018 et 2025 et le dépouillement d’archives de presse.

Mots clés : mondialisation, enseignement supérieur, migration, légitimité, international, privilège

Composition du jury :

  • Irene FERNANDEZ-MOLINA, Senior Lecturer, University of Exeter, Royaume-Uni (Examinatrice)
  • Romain LECLER, Professeur associé, Université du Québec à Montréal, Canada (Rapporteur)
  • Élise MASSICARD, Directrice de Recherche, Sciences Po Paris, MESOPOLHIS (Co-directrice de thèse)
  • Sylvie MAZZELLA, Directrice de Recherche, Aix-Marseille Université, MESOPOLHIS (Directrice de thèse)
  • Antoine ROGER, Professeur, Sciences Po Bordeaux (Président du jury)
  • Camille SCHMOLL, Directrice de Recherche, EHESS (Rapportrice)
  • Claire VISIER, Maîtresse de conférences HDR, Université de Rennes (Examinatrice)

🎉 La soutenance sera suivie d’un pot auquel vous êtes chaleureusement convié·es.

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Horaire

10 juin 2025 14 h 00 min - 20 h 00 min(GMT+02:00)

Emplacement

EPS 101

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