Résumé

Depuis le début des années 2000, l’Espagne connaît d’importantes mobilisations qui investiguent la violence d’État perpétrée dans le pays sous la Guerre civile et la dictature franquiste. Cet ouvrage analyse comment des citoyennes et des citoyens apprennent à se réclamer de l’histoire violente des « victimes du franquisme » et à se fondre dans une communauté militante et combative. L’enquête de Sélim Smaoui couvre la période allant de 2000 à 2015 et a été menée au plus près des individus impliqués dans ce mouvement mémoriel. Les suivant pas à pas, l’auteur retrace le cheminement de celles et ceux qui, de quelques souvenirs enfouis, en viennent à ouvrir les charniers, désigner leurs tortionnaires et donner voix à une violence encore jamais publiquement évoquée. Les collectifs qui les accompagnent dans ce combat concourent aussi à redessiner profondément leur intimité. Car un tel engagement implique un travail sur soi, incite à revisiter les identités sociales et à rompre avec l’évidence de l’ordre politique.

Au fil de cet itinéraire parmi les victimes et leurs proches, Sélim Smaoui nous montre comment ces mobilisations composent donc un espace de gouvernement des conduites critiques, amenant les individus à s’émanciper des normes étatiques et à se conformer à celles, alternatives, des groupes sociaux encadrant leur passage au politique. Son livre est une contribution aux réflexions sur les formes contemporaines de résistance et à notre compréhension des voies par lesquelles des mobilisations collectives peuvent (re)politiser les mémoires et les subjectivités.